samedi 31 mars 2012

Bombez le torse, bombez !


Hier soir j'ai bien roupillé, dès la moitié de Good morning England (le bateau qui rock en v.o...) un film inspiré de l'histoire de radio caroline qui ne démontre que la médiocrité de la culture pop anglaise et l'ennui profond dans lequel devait baigner le gouvernement de leur majesté pour s’attarder, en 1966, à vouloir censurer un mouvement aussi niais.

Comment se sentir concerné par les peccadilles contées par cette affligeante pellicule si ce n'est en se sentant fier de notre France ? Tandis que les coincés de la perfide albion se demandaient comment interdire la diffusion de la culture jeune, notre pays se targuait déjà et depuis 1959 d'une émission de radio brandie en étendard par les moins de 16 ans, ainsi que son complément papier, Salut les copains, au Hit parade desquels figuraient dès 1965 et de manière parfaitement banalisée, les Beatles, Kinks Who et autres craintes des autorités du royaume. De quoi tordre le cou à bien des complexes d'infériorités.


Je le dis haut et fort, la France est bel et bien le second pays du Rock'n'Roll talonnée de près par l'Italie, toutes deux à mille coudées au dessus des anglais. Londres n'a pas tué qu'Eddie Cochran, elle a aussi plongé Jerry Lee Lewis dans l'obscurité et qu'on ne vienne pas me dire que ce peuple adepte de la coupe au bol a recueilli Gene Vincent, ils n'ont fait que le ringardiser à grand coup de groupes mièvres et aseptisés. 
Pfff, lors de la dernière scène que mes yeux ont captés avant que mes paupières ne les obstruent, le dj de « radio rock » bravait tous les interdits en prononçant le mot fuck à l'antenne comme s'il tranchait le cou à sa reine. Hum, comment leur expliquer qu'en France dès 1952, un chanteur du sud mettait en rimes la sodomie d'un juge par un primate peu regardant ?

La pop anglaise c'est du Rock'n'Roll avec un napperon sur la banane et une théière dans le cul !


Ils ont eu les Who, certes, mais on a eu Aznavour, Dutronc, Gainsbourg, Polnareff, Bashung, Fred Chichin.
Bordel, il serait grand temps que l'on se penche sur notre histoire, que notre lègue soit encensé et que soit passé aux plumes et au goudron les sempiternels pitres rabâchant jusqu'à plus soif que le français ne sonne pas en rythme.
Je me contrefous de Claude François mais je salue la sortie d'un biopic enfin consacré à un gars de (presque) chez nous tout autant que je m'inquiète d'apprendre que Julie Delpy va se pencher sur le cas Joe Strummer. Qu'est ce qu'on peut en avoir à foutre de ce qu'elle pourrait bien nous raconter sur le Clash brailleur ? Confidences saisies sur l'oreiller du copain du cousin de la sœur au voisin de squat de cousin Joe ou révélations sur l'enregistrement de London calling, on s'en fout !
Pondez nous un film sur Dick Rivers ! Je viens de finir Mister D, longue interview en forme de biographie qu'il vient de faire paraître aux éditions Florent Massot, c'est fendard, ça cause de Nice, du Paname d'avant 68, de Toulouse, de ses rêves américains, du temps qui passe, pas besoin de prétexter un anglais pour saisir le parfum du Rock'n'Roll, tout est là.



 
Et qu'on vienne pas me saouler avec le punk, ce phénomène n'a eu aucune résonance chez nous dans la mesure où la moindre chanson de Michel Sardou le rend aussi inoffensif que ridicule. Là encore seul les anglais pouvaient être choqués par ce qui s'est avéré n'être qu'une tempête dans un verre d'eau. 


Le Clash ne me passionna que lorsqu'il traversa l'atlantique soit au moment même où son public anglais le condamna pour traîtrise. Bande de zguègues tellement prisonniers de leur île que rien dans leur musique ou leur cinéma (je ne sais pas s'ils ont des écrivains contemporains mais bon) ne sait exister sans un vernis de nostalgie de plus en plus épais. Jusqu'au début des années 2000 tandis que nous avions l'un des meilleurs Hip Hop du monde, ils en étaient encore à se chercher un palliatif aux Beatles. Elle a bonne mine l'avant garde londonienne.


Pour un David Bowie nourrit aux sonorités du monde, un Jerry Dammers, un Mick Jones aventureux dans l'âme, combien de popeux geignards ressassant encore et toujours les mêmes ritournelles ? Combien de cats stevens, de coldplay, de James Blunt ?

Mauvaise foi me direz-vous, pourtant il suffit de s'égarer sur canal plus pour tomber sur la dernière branchitude estampillée UK, tantôt de la soupe ânonnée par une black décolorée qui se voudrait le renouveau de la soul (?) tantôt un quintet de jeunes aux tronches d'idiots/bêtes usant nos nerfs sur une bande son qui si elle servait de prétexte à des gosses de chez nous leur vaudrait un retour express chez papa/maman, mais là, non, c'est supra cool, hyper tendance. Et merde !


Et d’où ça sort que se saper d'un t.shirt imprimé union jack serait le summum du look pop alors qu'un t.shirt bleu blanc rouge serait immédiatement symbole de nationalisme fascisant ? 


Non, vraiment s'il y a une différence de niveau entre eux et nous, elle n'est pas culturelle, elle est structurelle. Alors que depuis le ticket Mitterand/Lang en 1981, on traite par ici les musiciens comme des affiliés à la cotorep en leur refilant subventions et locaux municipaux, en les prenant par la main, les anglo-saxons  considèrent les leurs comme des professionnels, du coup c'est que le meilleur gagne (ou le plus corrompu) et que les autres se démerdent. Le tri se fait à la source et pas au robinet.
Ce qui ne veut pas dire que le lavabo est plus étincelant pour autant.


Hugo Spanky

mardi 13 mars 2012

BRuCe SPRiNGsTeeN, a NeW woRld is coming

Tir groupé sur Ranx Ze Vox à l'occasion de la sortie du nouvel album de Bruce Springsteen
Après l'avis d'Hugo Spanky voici celui d'Harry Max, en attendant que 7red s'y colle.




Trompé par la pochette qui laissait entendre un album rentre dedans et basique, toutes guitares rugissantes en avant, la première écoute de Wrecking Ball, le nouveau disque de Bruce Springsteen, m’a décontenancé car manifestement nous avons affaire à son travail le plus sophistiqué en terme d’arrangements.  
Tout commence par le single We take care of our own qui d’emblée donne le ton de cet opus : un manifeste pour toutes les personnes que cette saloperie de crise frappe de plein fouet ; une invective contre les patrons, les politiques et les institutions gouvernementales qui nous bafouent sans vergogne. En somme un poing tendu ou plutôt – d’où la fameuse pochette – une guitare brandie en guise d’insoumission envers les pontes de la finance qui nous assassinent une peu plus chaque jour avec leurs mesures criminelles. Et puisqu’il n’y a plus d’aide à recevoir de quiconque, que les bonnes intentions sont en voie de disparition, nous n’avons plus qu’à prendre soin de nous même. Mais ensemble car ce c’est là que ce fait toute la différence.

Avec Easy money, composition folk rock rehaussée d’une touche de gospel, on se laisse volontiers emporté par un rythme de valse procuré par un violon entraînant. 
Sur Shackled and drawn, l’une des merveilles de cet album généreux en pépites, c’est un rythme martial qui nous accueille tandis que des percussions de tous types se rajoutent au fil de ce morceau à forte connotations irlandaises qui voit son final asséné par un banjo saccadé d’une redoutable efficacité. Avec Jack of all trades, la sobriété est de mise. Toute en délicatesse cette complainte déchirante, avec son solo de trompette admirable ainsi que l’arrivée toute en douceur d’un ensemble de cordes, nous étreint durablement le coeur et finit par nous laisser exsangue face à tant de charges émotionnelles.
 
Déboule ensuite un autre sommet, Death to my hometown. Grâce à cette chanson, Bruce nous rappelle que désormais ce ne sont plus les bombes, les batailles rangées, bref des ennemis tangibles qui détruisent nos usines, nos familles et nos foyers mais bel et bien le capitalisme outrancier et sans pitié pour personne qui mène notre monde vers sa perte. Le message est on ne peut clair : il ne faut surtout pas courber l’échine ; on doit renvoyer en enfer tous ces saligauds qui servent aveuglement ce capitalisme meurtrier.
 
This depression, titre à la rythmique lourde et angoissante, nous martèle que seul le coeur nous sauvera ; que nous devons nous soutenir coûte que coûte pour pouvoir nous en sortir tout en gardant sa dignité.




Wrecking ball, le morceau titre, va encore plus loin dans sa démonstration. Il nous exhorte à foutre tout en l’air, à faire table rase et à bâtir un nouveau monde. Ce morceau est un hymne pour galvaniser les foules et sa construction, d’une complexité à faire blêmir n’importe quel musicien digne de ce nom, mérite les plus hautes éloges. Son ouverture se fait de façon nuancée au moyen d’une guitare électroacoustique sur laquelle se superpose en de multiples couches tout un ensemble d’instruments et de percussions (accordéon, violon, basse, clap hands, grosse caisse, etc.) puis soudain toute la machinerie s’emballe et des cuivres endiablés précipitent le morceau dans une nouba frénétique qui rendrait hystérique une pauvre hère dépressive sous valium. Tout le monde est au taquet et cette ode à l’insurrection nous plonge dans le plus ineffable des bonheurs.
 

You’ve go it, plus terne et conventionnelle, aura pour triste titre de gloire d’être la composition la moins convaincante – voire même dispensable – de cet album.
 

Tout l’inverse de Rocky ground qui fera maintenant parti des chansons les plus novatrices et étonnantes que Bruce nous a délivré. C’est avec une prêche d’outre tombe en fond sonore que commence ce curieux titre qui brasse gospel, rap, trompette mariachi et touche d’électro dans un savoureux melting polt. Un festival d’inventivité qui prouve à tous les ignares qui en douteraient encore à quel point la richesse de la palette musicale de Bruce est sans limite.
 


Vient ensuite la reprise de Land of hope and dreams qui, vu le sujet de ce disque, à toute se place ici d’autant plus qu’elle fait preuve d’un allant du meilleur effet.
 
Ultime monument de cette galette mirifique We are alive nous convie à une fiesta avec les morts de tous les diables. Elle mélange de manière détonante racine irlandaise (on se croirait dans un pub), ambiance mariachi (les trompettes furieuses !), touche redneck (le banjo trépidant !) et envolées à teneur western. Autant vous dire que lorsque The Pogues rencontre Los Lobos et vont voir Délivrance cela n’engendre pas la monotonie !
 
Cet album aurait aisément pu se terminer sur ces entrefaites mais deux formidables bonus tracks viennent l’enrichir : Swallowed up (in the belly of the whale) qui bénéficie d’une atmosphère délétère des plus poignantes et American Land  (qui dit, en substance, que toutes les races ont construit ce pays et qu’elles ne se laisseront pas déloger sans broncher) qui vient clore ce disque de fort belle manière grâce à une version d’anthologie qui nous pousse à nous lancer dans une gigue infernale.
 

On l’aura compris Bruce a bouffé de la vache enragée et, remonté comme il est, la tournée française qui s’annonce promet des spectacles riches en moments d’exceptions. Ça tombe bien car l’équipe de Ranx ZeVox a déjà ses billets pour le concert prévu à Montpellier.
Gageons que nous vous en ferons un commentaire plein de ferveur. D’ici là, nous vous souhaitons bonne écoute avec Wrecking ball.


Harry Max

Forum Open all night
Forum Land of hope and dreams

vendredi 2 mars 2012

justifieD


Un Marshall inspiré du Clint Eastwood d'un shérif à New York, l'excellent Timothy Olyphant, un encombrant ami d'enfance au tempérament explosif (au propre comme au figuré) Walton Goggins, le tout assaisonné d'une ribambelle de furieux chargés de nourrir l'intrigue, voilà de quoi faire de Justified la plus excitante des séries depuis The Shield.

Pris à la gorge dès la première scène, on suit le Marshall Ray Givens de retour dans son Kentucky natal après que ses méthodes, un chouïa expéditives, aient été jugés indésirables à Miami.
Les retrouvailles avec ses racines vont s'avérer tenir du numéro d'équilibriste, entre un père multirécidiviste, une ex-femme éprouvant le plus grand mal à tourner la page et un wagon de revanchards pour lesquels les vieilles rancœurs ne sont pas soldées, le Marshall Givens joue serré. Chaque rencontre, chaque nouveau personnage, nous assure un épisode haletant au final régulièrement sanguinolent. Ça canarde dans Justified, et pas qu'un peu. 


La première saison définie les contours façon tir de chevrotine, ça part un peu dans tous les sens avec des intrigues courtes et efficaces qui se superposent à la trame de fond. Le rythme est soutenu, on sent que les scénaristes ont retenu la leçon de l'échec commercial de The Wire, terminé la mise en place qui prend son temps, faut que ça cut, que ça trace sans détour, au risque parfois de tomber dans un brin de facilité tendance BD. Faut dire que le scénario s'inspire des polars d'Elmore Leonard, pas franchement le genre d'auteur à s'encombrer de fioriture.


La seconde saison est meilleure, l'intrigue est plus creusée, les personnages plus fouillés et surtout Walton Goggins est omniprésent. Et c'est tout sauf un détail. Cet acteur est un grand, j'en reviens pas que sa carrière au cinéma ne soit pas plus étoffée. La seule explication que j'ai pu trouver n'est pas encourageante pour l'avenir du grand écran, Walton Goggins est trop bon, pas assez lisse surtout, pas assez standardisé, trop subtil dans ses interprétations même, et surtout, si le rôle est excessif. Walton Goggins donne de la profondeur à ses personnages de tarés, rend attachant des gars que des moins doués lui rendraient caricaturaux. Il poursuit dans Justified le splendide boulot qu'il avait effectué dans The Shield, ce tour de force qui nous fait oublier de haïr un immonde salaud.


 

La saison trois attaque encore un cran au dessus, les seconds rôles sont un régal, les intrigues en suspends à la fin de la saison deux y trouvent un prolongement en forme de nid de serpents aux pieds d'un Marshall Givens qui plus que jamais va devoir appliquer sa devise : je ne dégaine que pour tuer.

                                                                                
                                         
   Hugo Spanky