mercredi 28 décembre 2011

rOCK aRT & tHe MaRCeL StYLE


Ma passion ne coûte pas cher. La plupart du temps.
Les vinyls, bordel, m'en auront fait faire des conneries. J'ai volé, j'ai raconté des âneries plus grosses que moi pour diminuer la valeur d'un album dont je rêvais, juste manière d'en faire baisser le prix. J'ai cramé plus que de raison, aussi, parfois, souvent. J'ai revendu certains pour lesquels je me serais bafoué quelques mois plus tôt. Et je m'en fous. Pire, j'en suis fier. Grâce à autant de méthodes indignes, j'ai voyagé, je me suis nourris. Le temps passé à déchiffrer sous toutes leurs coutures les pochettes que je tenais entre mes mains, je ne le passais pas au bistrot, je ne le passais pas à jouer à être un autre.
Posséder un ordinateur n'a pas arrangé mon cas, même si je dois concéder que cette fourbe bestiole m'a ouvert les yeux sur bon nombre de mes faiblesses. Avec l'achat virtuel fini le disque que l'on glisse sous le manteau, terminé le frisson de dépasser la caisse le sac de sport remplie de galettes finement dérobées. Ne reste plus dorénavant que la tentation et la résignation qu'elle engendre. Sauf que dans le registre résigné y a meilleur exemple que moi.

Joe Strummer fait parti de mes marottes, c'est pas le seul mais c'est assurément l'un de ceux qui me pousse le plus à la déraison la plus totale. Rock art & the X ray style, quelqu'un connaît ? Hum, j'ai déjà les noms de ceux qui lèvent le doigt, vous pouvez vous rasseoir. La chose, dans sa version vinyl, est plus rarissime qu'un mec intelligent accoudé au zinc passé 3 heures du matin, c'est dire. Au point que même des jobastres comme 7red et ma pomme, des gars capables de vous fredonner Rose of Erin, restions convaincu qu'aucun pressage autre que l'immonde cd n'avait existé. Ebay allait nous démontrer le contraire tout en nous faisant au passage méchamment mal au cul. 150 euros sans le port, voilà le prix d'un désir. Là, sous mon nez, un enculé de japonais proposait un exemplaire neuf du vinyl de Rock art & the X ray style. Merde, pourquoi j'ai cherché ? Pourquoi, je suis allé sur ebay US ?

Vous vous en doutez même si je l'ai pas précisé, j'ai jamais eu un rond d'avance. Ne me restait que la résignation, l'oubli, la frustration. Je me devais d'être raisonnable, de me conduire en adulte, en être responsable. J'avais autre chose à faire de mes trois sous, pensez donc, payer EDF, ces braves gens et leur C.E multimillionnaire, casquer la redevance télé, la taxe d'habitation, les courses à lidl, l'abonnement du portable, le plein de la bécane...
Argh ! J'étais fais comme un rat. 

Et j'ai tenu bon, il m'a tracassé ce disque, je dormais mal mais je tenais bon.

Et puis une nuit, la révélation : le tapis berbère de mon Marcel ! Celui là même qu'il est allé sauver de la rivière lors des inondations dans l'Aude. Alors que le niveau montait au rez de chaussée, mon Marcel a foncé, direct, 1m20 de flotte, Gisèle, ma mère, avait beau brailler qu'on s'en fout d'un tapis, mon Marcel avait haussé les épaules et foncé pieds nus, de l'eau jusqu'à la taille, le courant qui manquait de l'emporter lui et son tapis !
Combien ça peut peser un truc pareil en pure laine de l'Atlas marocain ? Déjà sec c'est lourd alors détrempé, vous imaginez. Pourtant il l'a chopé, l'a pas lâché, jusqu'à le hisser en haut des marches avant de le poser sur le parquet de ma mère. Elle, en larmes, le maudissant, le serrant aux épaules, le traitant de fou, lui, son homme, son héros, mon père, Marcel !
Le tapis était sauvé et bien plus que ça au passage. Un morceau de vie que c'est ce tapis, un uppercut au cœur reçu en pleine foire internationale de Dijon (ça s'invente pas). Une journée à tourner autour, à négocier avec le berbère en chef, à évoquer ce Meknès natal quitté à 16 ans et jamais revu depuis autrement qu'en rêves, des heures entières à supporter sans flancher les conseils de raison de ma mère, même moi j'en pouvais plus, pourtant je sentais bien que c'était plus que le décor du salon qui se jouait, c'était Marcel contre le raisonnable, Marcel contre la médiocrité, Marcel qui s'élève dans la vie, qui refuse la fatalité des chiffres, fussent ceux de son compte en banque. 


Une brique le tapis ! Il a fallut le faire venir du Maroc, faire intervenir le grand oncle de ma mère (inspecteur des impôts) pour le faire décoincer à la douane, les rapaces voulaient croquer, forcément on était en 1981 la gauche venait de passer, voilà que maintenant c'était Marcel contre Mitterand. Et mon couillon de frère qui à table se vantait de son vote ! Oh punaise, ça volait bas.
Et puis le tapis est arrivé, une brique peut être, mais un triomphe assurément. Marcel vainqueur ! Face à Gisèle, face aux socialos à la con que son dégénéré de fils avait porté au pouvoir, cet ingrat à qui Giscard avait filé le droit de vote, voilà comment il remerciait LE seul candidat valable. Je vous épargne la Renault 20 rayée par les bolcheviques le soir de la "victoire" des pleureuses, des fainéants, des crétins manipulés et incapables de s'en apercevoir. C'était moins une qu'il ne retourne au Maroc ! Ma mère l'a fait redescendre sur terre, certes, mais il a fait venir à lui un morceau du bled. Rien à foutre du prix, c'était ça ou le bateau.

Ouais, c'est tout ça qui m'est remonté, autant dire plus moyen de fermer l'oeil. Qu'un disque me remémore toute cette affaire, ne pouvait être qu'un signe, je me devais d'être à la hauteur (déjà que je suis un brin minable comparé aux 10 000 balles du Marcel) alors j'ai allumé le pc, en pleine nuit, un dingue, et j'ai cliqué partout, fébrile mais en paix. Puis je me suis recouché et j'ai bien roupillé.



Alors merci Joe. Même si, comme un dernier clin d’œil de l'histoire, la douane a serré mon colis et m'a collé 60 euros de taxe en plus. Je m'en fous, j'ai jamais autant ressemblé à mon père que cette nuit là. 
La résignation venait de se manger la fierté dans sa gueule.


Hugo Spanky

jeudi 8 décembre 2011

Sylvia Robinson



1979, le Punk n'en finit plus de crever, incapable de proposer quelque chose de frais, quelque chose de neuf. Le mouvement qui voulait donner le pouvoir à la jeunesse se contente tristement de repiquer de vieux plans usés jusqu'à la moelle, piochant au mieux dans le répertoire des pionniers du Rock'n'Roll, au pire dans celui des freaks de Nuggets.

Pendant ce temps là, sans se soucier de savoir si le futur aura lieu, les minots du Bronx envoient la soudure, arrachant les derniers souffles de basse à des boomers de récupération branchés en série. Grandmaster Flash creuse ses vinyls, Melle Mel acère son flow, griffonne ses cahiers de rimes toujours plus affûtées.

Tandis que les morbacs de l'art accaparent le graf' pour renouveler le catalogue de leurs tristes galeries pour bobos, détournant de la rue une discipline qui en était pourtant indissociable, le Hip Hop dans son expression musicale peine à trouver un label pour lequel graver de ses prouesses, la cire des presses. Sugarhill Records sera celui là.


Sylvia Robinson, qui dans les 60's susurrait ce Love is strange repris plus tard par plus d'un cat copyeur, celle là même qui signera Shame, shame, shame pour sa copine Shirley, en panne de hit depuis le mythique Let the good time roll, fonde le label cette même année 79, en association avec son homme. Elle en sera la directrice artistique, la dénicheuse de talent et collaborera aux compositions de ses poulains ainsi qu'à la production de leurs disques. 
 

Sylvia Robinson, le genre de Madame qui impose le respect, se contrefout de la frilosité ambiante. Puisque dégun ne sait quoi foutre des scratchs de Flash, elle isole Melle Mel et le colle en studio accompagné d'un groupe formé à l'ancienne, le backing band du label, pareil que la Motown, idem que Stax, le système continue à faire ses preuves et le Sugarhill House Band à faire des merveilles. Le résultat ? The message. Ça cause à quelqu'un ? Ok, on y voit déjà plus clair.

Vexé mais patient, Flash et ses platines en fusion aura sa part de galette avec The adventures of Grandmaster Flash on the wheels of steel, une tuerie fracassante d’innovation, le début d'une nouvelle ère. Dans la foulée, il détourne le Genius of love du Tom Tom Club en It's nasty, un incontournable de plus. Dans un coin, Mick Jones prend des notes et le Clash embarque la troupe pour faire leur première partie lors des légendaires concerts au Bonds de New York, le public les jette, pas grave, l'éternité les jugera. La mèche est allumée, c'est une mèche courte, l'explosion ne tarde pas.

En 1983, entouré des Furious Five, le Grandmaster sort New York New York, leur chef d’œuvre, le genre de morceau que rien n’altère, ni le temps, ni les cons. Chopez le maxi, dites moi si je me goure. 

 
Toujours en 83, le label à étiquette bleue va lancer le Break dance electric boogie de West Street mob, encore un classique fondateur. L'année suivante ce sera la B.O de Beat Street, l'un des tous premiers films calibrés Hip Hop avec le fabuleux Wild Style, qui sera en charge de porter la bonne parole à travers le monde via les rares salles de cinéma à se risquer à le programmer. Melle Mel désormais définitivement en solo y signe Beat street breakdown, pas de quartier, le machin claque dans les sound systems et envoie la concurrence chez le dentiste. RrrrHa !
Avant ça, la Dame Robinson avait donné dans le coup d'essai qui laisse des traces dans l'Histoire. En faisant tourner en boucle le Good times de Chic derrière un trio de MC's recruté par ses soins, son label naissant avait sorti le premier hit du mouvement, Rapper's delight. Le premier d'une longue série. Le Sugarhill Gang entre dans la danse et aligne Apache, 8th wonder et Livin' in the fast lane.

Évidemment pas sexiste, Sugarhill records met les filles à l'honneur avec The Sequence et leur Funk you up, second single du label et nouveau coup d'éclat. En l'espace de 10 mns le morceau, une imparable tournerie Funk, préfigure tout autant En Vogue que Dr Dre.


Autant de titres qui porte la marque de Sylvia Robinson. Je pense pouvoir dire qu'elle s'est pas plantée, pas le genre à rester sur le quai au départ du train. Besoin d'un gonze pour tenir la caméra le temps d'illustrer le White lines du Grandmaster et sa clique ? Elle fait rappliquer un gamin qui promet, Spike Lee. Rien que ça.


Le règne sans partage de Sugarhill records durera jusqu'au milieu des 80's. Jusqu'à l'apparition de Run DMC. Ceux là, vireront les backing bands groovy, remplaceront le Funk par les guitares saturées, enverront boites à rythmes démoniaques et boucles hypnotiques, définiront une nouvelle norme, celle là même qui engendrera Public Enemy, NWA, Ice T, Eric B & Rakim.



Ceci est une autre histoire mais, waouh, que le parcours fut beau, jouissif et novateur pour Sugarhill et sa taulière en chef. Et dire qu'il y en a pour oublier de tomber la casquette lorsque la Dame s'éteint en ce triste mois de septembre de notre année 2011. Hum, je ne fais pas parti de ceux là. Mes hommages, Madame Robinson. Et un grand merci.

Hugo Spanky

samedi 3 décembre 2011

ReNAULT 12 sUR Le PaRKiNG


Ghislaine était une sacrée salope, la preuve, elle ne voulait coucher avec aucun d'entre nous. 
Ne me demandez pas d'expliquer la psyché d'une bande de mômes de quatorze ans mais c'est comme ça qu'on voyait les choses. 
De toute manière seul les bidasses semblaient trouver grâce à ses yeux. Des cranes rasés au sourire en croche, des tristes ne pensant qu'à se débarrasser au plus vite des saletés de morpions qu'on incarnait à leurs yeux de bœufs, pressés qu'ils étaient d'embarquer ma cousine dans des virées nocturnes à destination desquels ils se précipitaient à la vitesse d'une BMW flambant neuve achetée avec la prime du retour d’Afghanistan. 
Pendant ce temps là, week end ou pas, il ne nous restait plus qu'à se morfondre sur des bancs publics dépourvus de la moindre trace d'amour. Et maudire l'absence de moyen de locomotion.

Puis vint la lumière, ce qu'aucun de nous ne savait cacher derrière notre rancœur illumina le jour où elle nous présenta Kada. L'homme à la Renault 12, ze grand wizard de l'autoradio, le masterman des décibels ! Doté d'une qualité qui fit notre bonheur, l'ouverture d'esprit, cet illustre nouveau venu nous accepta sur la banquette arrière lorsque, le samedi soir arrivé, l'heure venait de prendre la direction du seul endroit que la bande de mioches qu'on était aspirée à découvrir : La boite de nuit !
Bénies soient ces années lointaines où laisser sa carte d'identité sur la table de nuit ne constituait pas une barrière infranchissable au moment de passer la porte d'entrée d'un établissement réservé aux noctambules majeurs. Il suffisait de bomber le torse, d'y croire un peu, de pas s'étouffer en tirant sur sa Marlboro, voire pour les plus juvéniles de prendre soin de se raser malgré l'absence de pilosité ce qui, immanquablement, provoquait la venue incongrue de touffes disparates mais bien utile pour se prétendre, peuchère, un homme !
Au moins le temps du passage au vestiaire, après quoi les lumières tamisées feront le boulot, avant que très vite deux verres de whisky ne nous foutent des cernes à passer pour des prétendant au permis de conduire.

Pff, 14 ans, le bel age.



De cette lointaine époque, j'ai gardé en moi le goût de la Funky Music, même la plus putassière. Que Mama used to say claque dans les tweeters, Superfreak, Get down on it, September, même lorsque les Rockers se tente au Disco, j’approuve, Emotional rescue est mon Stones favoris, Blondes have more fun mon Rod Stewart de référence. Qu'un téméraire ose Just an illusion dans son salon ou son rade et s'en est fini de ma bonne tenue.
Ô mazette, qu'importe si j'ai pas le sens du rythme, si les figures que je m'imagine à la James Brown font plus penser à un épileptique en crise qu'au parrain de la Soul, m'en fous, je me fais plaisir et laisse ricaner les plus complexés que moi.

Le Funk bordel, danse de la solitude joyeuse, célébration du je m'en bats les couilles qu'elle se soit barrée. Le Funk, lot de consolation de celui qui ne cause pas, du quidam que personne n'accoste. La musique de celui qui préfère se défoncer sur la piste plutôt que dans les chiottes.

Tout ça pour dire qu'après des week-end de traque tristouille, de compléments alimentaires bas de gamme en forme de galettes vinyliques sans une once de vitamine à l'intérieur voilà que pas plus tard qu'hier, hallelujah, la lumière fut. Le stroboscope pour être exact. Au détour d'une zone industrielle, dans un obscur Cash Express de banlieue où Milady et ma pomme avions atterri sans réel espoir, bam, le lot qui déchire sa race, une cinquantaine de disques calibrée bitume 70's. Une palanquée de maxi singles, de 33 tours à la pulsation chaude, au réconfort plus efficace qu'un chauffage central.



Rufus Thomas, Ohio Players, Main Ingredient, Curtis Mayfield (non, pas Superfly, celui avec la musique de la pub Dim) Rose Royce II, un album de mixes signé Tom Moulton (CJ & c°) le Got to give it up de Marvin Gaye, Boogie city des Reflections, que des tueries. Et un brin d'étrange aussi, Herbie Mann, un...flûtiste ! Le gars donne dans le soyeux, une mise en bouche avant de se coller sous la couette, du Memphis sound à vent avec Donald Dunn et Al Jackson à la rythmique et Duane Allman aux riffs cristallins. 
Bouh, un truc à vous réconcilier avec les cours de musique de la sixième.


Je vais pas faire dans l'érudit, juste envie de donner envie. Pendant un moment je vais me tenir heureux, me jouer tout ça jusqu'à m'en être nourris. Et passer un salut à Kada, où qu'il soit, lui glisser un merci pour m'avoir mis sur la piste avec ses innombrables cassettes.
Je vais aussi regretter un peu plus encore la connerie ambiante, la monotonie, l'uniformité des soirées contemporaines dans des bars qui ne savent plus qu'aligner Rock Garage pour les uns, R&B lyophilisé pour les autres. Bande de sinistres crétins ! Sourdingues paralytiques que vous êtes !



Rah, ça y est je m'emporte, il est temps pour moi de poser sur la feutrine le Different strokes des Nite-Liters ou ce I've got so much to give du big Barry. Mieux encore Euphrates river de Main Ingredient
Putain, j'en reviens pas !

                                                                            
                                                                 Hugo Spanky