jeudi 18 novembre 2010

jerry Lee LeWis !



Le vertige. Voilà la sensation que m'évoque le parcours de Jerry Lee Lewis. Du pur Rock'n'Roll des années Sun à la Country du passage chez Mercury, dieu que la route fut longue et sinueuse pour le Killer. Abandonné par les pisseuses hystériques de la perfide Albion pour une histoire de mariage somme toute assez banale dans le sud des 60's américaines, notre homme n'a rien oublié. Et surtout pas qu'il doit d'avoir pu continuer sa carrière aux barbus truckers, ces solitaires des highways, les seuls durant les 70's à avoir porté à bout de bras celui que bon nombre rêvait de voir fini, laminé par les pills et le whisky. Sauf qu'on hérite pas d'un surnom comme le sien sans y mettre de la bonne volonté.


2010 et Jerry Lee Lewis, dernier des pionniers à encore se donner la peine d'enregistrer des disques, sort un nouvel album ! Mieux, ce Mean Old Man démarre par une surprise : Un morceau sans piano ! Un peu comme si AC/DC torchait un reggae. Ce mec est grand, vous pouvez arrêter de me lire là, j'ai tout dis. 

L'album est orchestré autour de trois titres aux relents stoniens sans pour autant que l'influence du groupe soit perceptible. Je m'explique. Deux reprises d'abord, Dead Flowers (avec Jagger) et Sweet Virginia (avec Richards) que le Killer traite de la plus simple des façons, la sienne. Les Stones avaient fait traverser l'atlantique à la country de chez ploucland en arrondissant les angles des mélodies, jusque là crachées plus que chantées, des pionniers du genre, Jerry Lee leur fait faire le chemin inverse. Il américanise les morceaux des Stones, leur refile un coup de violon bastringue et de vice sous-jacent. Bref, il les pulvérise et les sublime. Le troisième titre est celui qui ouvre les hostilités, ce Mean Old Man gravé en compagnie d'un Ron Wood en grande forme.



Une fois qu'on a dit ça, on peut passer aux choses sérieuses. A commencé par ce You can have her, si Clapton est présent pour faire plaisir à la maison de disques, c'est pour moi la participation active de James Burton qui porte le morceau au pinacle. Le maitre riff, parsème de licks brillantissimes un morceau qui en devient la pierre angulaire de l'album, un pur joyau mené tambour battant tout comme cette énième version du fameux Rockin' my life away avec cette fois Kid Rock (dont le Killer semble ne plus pouvoir se passer depuis Last Man Standing) et un Slash qui démontre qu'il mériterait bien mieux que son éternel statut d'ex Guns and Roses. Pour tout dire, le gars expédie les solos rabâchés d'un Brian Setzer aux oubliettes et envoie un ravageur feeling Rockabilly nous ramoner les esgourdes avec une telle jouissance qu'on en oublie de culpabiliser. Là est la force de Jerry Lee depuis son précédent album de « duo» il pousse au meilleur même les plus anecdotiques tout en ne leur laissant que des miettes. 
Jerry Lee Lewis est l'incarnation même du Rock'n'Roll !
 
Roll over Beethoven et Bad Moon Rising sont de telles réussites qu'en dire plus est superflu. You are my sunshine en compagnie de Sheryl Crow est mon chouchou, le gimmick de guitare est magistral. Whisky river avec Willie Nelson est un Country léger et énergique, le genre de truc que les deux fadas pourraient faire tourner pendant des heures tant ils le maitrisent. Ce qui nous laisse avec Middle age crazy
Et là, Jerry Lee me scotche, tant de sentiments, de frissons partagés. Middle age crazy est le morceau qui me colle, celui sur lequel je reviens sans cesse afin de percer à jour cette magie, celui qui contient en lui ce qui m'a si irrémédiablement accroché à la musique. Cette indéfinissable sensation d'évidence. Bordel, qu'il est bon de laisser courir le long de son épiderme ce frisson d'éternité, ce bien être dérangeant car inexpliqué, ce feeling qui console de tout.



Au frustrant cd standard ainsi composé, le cd en édition deluxe et surtout le double vinyl trois faces rallonge la sauce de 8 titres Country qui sont tout sauf dispensables. 
J'y retourne. Railroad to heaven avec Solomon Burke, putain de titre prophétique, entraine une dernière fois le soul man preacher sur les terres boueuses chères au Killer, Swinging doors avec Merle Haggard et James Burton est une tournerie bourrée de clin d'œil au genre tandis que trois autres morceaux sont piochés dans le répertoire d'Elvis, Release me, I really don't want to know et ce Hold you in my heart que le King envoyait au delà des étoiles sur son From Elvis in Memphis. De ces trois titres, Jerry Lee offre une relecture proche de l'os, stylisée, crue, là où Presley les atomisait à grand coups de puissance gospel. Ce n'est pas pour rien que le Killer menaça d'un flingue son rival, il le savait le seul à pouvoir le supplanter. Will the circle be unbroken en compagnie de Mavis Staples, Nils Lofgren et Robbie Robertson (du Band) est un vrai régal, les voix, les guitares, tout se mêle au rythme hypnotique et au delà de la Country, du Blues, du Gospel, apparaît la vérité, la part humaine, l'Amérique toute entière, ce melting pot de malédictions indiennes, de souffrance venu d'Afrique et ce désir jamais éteint de partir de ce désastre pour bâtir quelque chose de grand. La foi !


Miss the Mississippi and you clôture l'affaire. Jerry Lee Lewis seul au piano, face à lui même puisque de dieu ou du diable il n'aura jamais choisi, se contentant de rester à sa place, être humain parmi les êtres humains. Au delà des avis, au delà des jugements, Jerry Lee il est, Jerry Lee il reste et j'espère de toute mon âme que ce n'est pas la dernière fois qu'il nous accorde de son temps devenu si précieux. Il se pourrait bien qu'en enterrant cet homme on enterre bien plus qu'un peu de chair agitée par les battements d'un cœur, il se pourrait bien qu'après lui, tout soit définitivement perdu.
En redoutant ce jour maudit, jouissons !


  Hugo Spanky

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