vendredi 15 octobre 2010

JOhNNY THuNDeRS

JOHNNY, TU N'ES PAS UN ANGE...

J'avais prévu d'attaquer bille en tête, ulcéré que j'étais par la nouvelle formule des New York Dolls récemment en visite à Paris et auteur de deux disques dont personne, s'ils avaient été signés David Johansen ou Syl Sylvain, ne se serait donné la peine de causer. Mais, finalement, depuis les Stones sans Brian Jones on est habitué à ce genre de sacrilèges. Motörhead sans Philthy Animal, les Doors sans Jim Morrison, Thin Lizzy sans Phil Lynott, Dr Feelgood qui se dispense des quatre d'origine, les Who qui auront existé plus longtemps sans Keith Moon qu'avec ou les Stranglers qui se passent de Hugh Cornwell depuis plus de vingt piges. Oui, le minable est devenu Rock, ceux là même qui devaient tenir la baraque debout en ont sapés les fondations au profit d'une belle véranda avec jacuzzi. 


 

Et comment leur reprocher, l'histoire, après tout, ce sont eux qui l'écrivent.
Alors, d'accord, dans certains cas ça pourrait avoir du bon, U2 sans Bono, ok, ça ressemblerait toujours pas à grand chose mais ça serait pas pire. 
Et Police sans Sting ? Ça aurait pas de la gueule ? Mais les New York Dolls sans Johnny Thunders et Jerry Nolan ! Je dis NON !

Sans déconner. On va où ? Voilà un groupe dont on peut vérifier l'importance du guitariste historique à la seule aide du bouton « balance » de son ampli et qui vient relever les compteurs avec une bande de couillons en guise de remplaçants. Pire que le Clash de Cut The Crap, fallait oser ! 


Et puis à quoi bon ? S'il reste des gens motivés à l'idée de voir David Johansen sur scène, quoi leur reprocher ? Il suffit d'écouter son live de 1982 pour savoir qu'il avait déjà perdu sa voix mais ça, j'ai bien peur que ça ne soit plus un critère. Un nom rutilant sur un morceau de papier qu'on pourra exhiber et le tour est joué.
Sauf que les New York Dolls, merde, c'était le groupe à Johnny Thunders et l'imaginer singé par un besogneux empâté, ça me vrille les terminaisons nerveuses. Faudrait voir à garder du respect.
De toute façon, Johnny Thunders, j'aime pas trop en causer, je gagatise dès que j'aborde le sujet. Il fait parti des rares à avoir su régénérer le Rock'n'Roll sans en perdre le sens. Faut citer les Cramps ou le Clash de Brand new Cadillac pour trouver des équivalents. Lil' Johnny avait ça dans les chromosomes, nourrit aux Doo Wop et à la Soul du New Jersey par les singles de sa sœur ainée, notre homme en avait acquis un goût de la mélodie clinquante que tous peuvent lui envier. En se rendant à Londres dès la seconde partie des sixties, il confrontera les romances des Girls Groups à l'énergie brute des Who, Kinks, Stones et Small Faces qu'il découvre à cette occasion en même temps que les amphétamines. Dès lors sa voix est tracée et aucun autre groupe ne saura mieux que les New York Dolls ou les Heartbreakers graver dans le noir des sillons ce Rock'n'Roll à haute intensité qui n'aura de cesse, depuis, de faire de bien pitoyables émules. 



Johnny Thunders fait la différence, il invente carrément un son, nulle autre guinde ne sonnera jamais comme sa Les Paul Junior. Le mec est malin, là ou les affreux ne bandent que pour la taille de leur(s) ampli(s), lui se raccorde à un mini Fender et envoie la distorsion naturelle du bouzinga. Et y a pas que ça, pour Johnny Thunders la musique se vit, s'incarne, ne se réduit surtout pas à une occasion comme une autre de tirer des gonzesses et de remplir un compte en banque. Lorsque les années 80 déboulent et que des gars du calibre de Willy DeVille se retrouvent à enregistrer des horreurs comme I must be dreaming, lui préfère oublier de signer des contrats et part en solo arpenter l'Europe du nord. A la manière d'un Chuck Berry, directement héritée des bluesmen, il voyage léger, sa guitare, un sac de frusques et quelques ustensiles de pharmacie. Il joue seul la plupart du temps, parfois accompagné d'un groupe occasionnel comme les Greedy Bastards, composés de Phil Lynott, Paul Cook et Steve Jones, avec lesquels il avait enregistré, en 78, la majorité de So Alone, fantastique album fantôme qui n'encombre les rayonnages d'aucun disquaire. 



Entre deux tournées en Suède, Norvège ou en Hollande, il finit par échouer à Paris et sort le splendide Hurt Me chez les nazes de New Rose, ceux là même qui s'étaient cru obligés de rallonger d'un live bien inutile le E.P In Cold Blood produit par Jimmy Miller. Disposant de cinq titres légendaires représentant la quintessence du son Johnny Thunders, les deux futurs découvreurs de calvin russell (c'est juste pour situer..) en veulent pour leur avance et, en bon marchands de tapis, rallongent la sauce d'un 33 tours live inaudible plutôt que de presser un E.P digne et imparable. Qu'importe, Hurt Me est lui addictif d'un bout à l'autre, avant la mode du unplugged et sa systématisation, le guitariste enregistre en acoustique, seul devant son micro, comme les pionniers, et immortalise une quinzaine de chansons dont rien ne pourrait me séparer. Des beautés.

Humainement, c'est sans doute la période la plus sombre pour Thunders, le business a repris le contrôle des affaires et ne tolère plus aucune incartade. Les Rock Stars doivent être saines, trépanées et inoffensives. Autant dire clairement qu'il est mal barré. 




Reste la scène, sur laquelle il tient debout une nuit sur deux, essayant de perpétrer la légende accompagné par n'importe qui, du moment que les gars comptent pas trop se faire de thune. On en croise à longtemps de temps, des qui se vantent d'avoir joué avec Johnny Thunders. J'ai jamais su si il fallait les plaindre ou leur filer la pièce.
Le môme du Queens a grillé ses chances y a déjà un bail, dès 1977, en flinguant les Heartbreakers après un unique album. Avec une signature chez Track Records, le label des Who, un Pete Townshend qui voyait en lui l'incarnation du héros de Quadrophenia pour le film en devenir et l'idolâtrie béate que lui vouaient les groupes de la scène Punk, Johnny Thunders était alors le prince de Londres. Dire qu'il n'en a rien eu à foutre est un minimum, le lonely planet boy a tout saccagé. Propageant ses habitudes à tout son entourage, il accrocha au smack la plupart des london boys, ruinant au passage sa réputation et la leur, avant de tirer sa révérence, abandonnant au caniveau un mouvement devenu sordide. Il en tirera une bonne chanson, Sad vacation


« Il arracherait la défaite des griffes de la victoire » dira de lui son pote Wayne Kramer avec lequel il forma Gangwar à son retour aux states, super-groupe super-fauché qui n'enregistrera que de manière erratique quelques démos qu'on retrouvent partiellement sur Too Much Junkie Business, parut en K7 uniquement, sur le label ROIR. Avec ça, difficile de lui donner tort.


En 85 il revient à Londres, rassemble pour Que Sera Sera d'anciens Hanoï Rocks, quelques Lords of the New Church ainsi que John Perry, celui des Only Ones, avec qui il grave un disque aussi excellent que totalement anachronique. Alors que les musiques fusionnent jusqu'à en perdre toute identité, lui s'entête dans la tradition et s'il se risque sur un reggae c'est en prenant soin d'embarquer Wilko Johnson à la manœuvre, manière d'être sûr de pas trop s'éloigner du décent. Et il a raison, le morceau est une tournerie infernale. Le texte, c'est encore autre chose, après avoir intimé l'ordre à sa frangine de laver ses fringues, le voilà qui veut se faire sucer par Godzilla ! 'Cause he's the cool operator !
 

La tournée qui suivra sera plus chaotique que jamais mais avec son éternel air de mioche inconsolable, Johnny Thunders garde pour lui le cœur des filles. Elles lui pardonnent tout. Qu'il leur torche de méchantes chansons au parfum misogyne importe peu, elles l'adorent ! On peut ramer tant qu'on aura du souffle, lui seul savait se faire cajoler de la sorte. 


«A chaque fois que j'essaye d'aimer quelqu'un, c'est la même vieille histoire. J'essaye de toute mes forces, je donne tout ce que j'ai, mais, à la fin, c'est moi qui me barre... » So alone dans le texte. Pensez donc, un Rocker au bord des larmes, une âme solitaire à réconforter, même s'il proclame qu'elles sont toutes un peu pute sur les bords, rien n'y fait, nos p'tites chéries en sont dingues ! Et là où les filles veulent aller danser, les cats y sont... Un malin, je vous dis.


Là où l'histoire est rageante, c'est à l'écoute des démos destinées à ce Internal Possession qu'il ne trouvera jamais le temps de finaliser. Des chansons parmi les meilleures qu'il ait signé, In god's name, Help the homeless, Childrens are people too, Some hearts, Society makes me sad, Glory glory, I tell the truth even when I'm lyin' ou Disapointed in you ne sont disponibles que sur bootlegs (Studio Bootleg et Sticks and stones) ou sur les trois volumes live captés au Japon lors de sa dernière tournée (Saddest Vacations I & II et Hurt Me More).
Une tournée pour laquelle Johnny Thunders s'était retrouvé entouré de ce que je n'hésite pas à qualifier du meilleur groupe qu'il n'a jamais eu, les Oddballs. Avec un sax et une choriste pigeonnante en plus de la formation classique, notre homme va épicer la sauce et offrir sur un plateau une revue au parfum Rhythm & Blues qui me clouera sur place bien longtemps après que les ultimes feedbacks de Born to lose aient fini de résonner dans mon conduit auditif. 



Johnny Thunders n'a plus de temps à perdre, depuis plusieurs années il se sait à la merci de la leucémie et ne veut pas lâcher la rampe avant d'avoir mis tout le monde à l'amende.
Un Christ tatoué sur l'avant bras, une bonne mère sur le corps de sa guitare, certains appellent ça la rédemption, lui on n'en sait rien, le gars n'était pas loquace.

1991 aura été une sale année, dès le mois d'avril Johnny Thunders meurt à la Nouvelle Orléans avant d'avoir enregistré la moindre note et laisse comme épitaphe ce Copy Cats, partagé avec Patti Palladin, parut deux ans plus tôt. 
Comme venu d'un rêve, un album de reprises certifiées de bon goût, traitées dans l'esprit, avec cette classe et ce savoir-faire que dégun n'égalera jamais. Dion, Elvis, Screamin' Jay Hawkins, les Shirelles, The Seeds, même Natalie Wood, tous et quelques autres sont au programme, l'album est parfait. 





Ouais, j'aime pas causer de Johnny Thunders, je ne sais en dire que du bien et j'estime que quiconque prétend porter intérêt au Rock'n'Roll se doit de posséder la courte intégrale studio du bonhomme. Prenez un stylo : Les deux New York Dolls (Too much too soon est le meilleur), L.A.M.F (si vous ne devez garder qu'un seul album estampillé 77, c'est celui là qu'il vous faut) So Alone, In Cold Blood, Hurt Me, Que Sera Sera et Copy Cats, auxquels vous ajoutez les trois Live cités plus haut et le Studio Bootleg pour les dernières démos. Ça devrait pas faire trop mais c'est coton à dénicher, le secret est bien gardé par l'ignorance des crétins.
                            

L'année prochaine ça fera vingt piges qu'on est tous so alone. Je doute qu'il y ait des rééditions pour commémorer l'histoire et, barré comme c'est, y a de fortes chances pour que Johnny Thunders et Jerry Nolan soient rayés de la mémoire collective vitesse grand V. Pas fréquentables, pas de bons exemples pour les baby rockoss, même pas foutus d'être sur un label avec pignon sur l'avenue.

Les deux inséparables, réunis jusque dans la mort, Jerry Nolan étant enterré, à sa demande, tout contre son pote, ne sont apparemment même plus indispensables à la reformation de ce qu'il reste des...des...comment vous dites déjà ? 


Hugo Spanky

1 commentaire:

  1. Il y a des dizaines et des dizaines de concerts de Johnny Thunders & The Heartbreakers qui sont disponibles sur le site dimeadozen.org.
    Surtout, sur ce site, il y a un type (skotf) qui met en ligne depuis 4 ou 5 mois une pile de concerts enregistrés à NYC (CBGB, Max's Kansas City et autres) de pleins de groupes punk. Ces concerts (super bien enregistrés depuis le public) sont tous inédits et sont excellents !

    RépondreSupprimer