mardi 16 février 2010

I'm a RocKeR


Pour moi le boss, ça a commencé en 1980. En seconde au lycée, on trainait dans un bar à Arnaud Bernard, le San Phillippo. Il y avait un juke box qui n'arrêter pas de passer "The river" qu’on écoutait en jouant au flipper entre midi et deux. Évidemment à l'époque, il y avait, Clash, les Saints, Television, je découvrais le Velvet. Alors c'est sûr, le boss, il faisait un peu "grand public" pour nous mais bon… Cette chanson, elle me collait bien à la peau. Aujourd'hui, alors que les photos de Thunders ou de Strummer fleurissent sur le net, j'ai eu envie de remettre les points sur les "i" et de rappeler pourquoi on l'appelait le boss.

 
Je ressors mon vieux Best.n° 154 et l'article de Francis Dordor pour me remémorer le film... Et parcourant, l'article, j'ai un brin de nostalgie pour ces rock critics qui n'avaient pas besoin de citer Roger Nimier pour se la péter. C’était pas aussi cultivé que maintenant la critique rock et ça me convenait bien, en fait... Pas la moindre trace de mépris ou de condescendance dans leurs articles. C’est loin tout ça, mes vieux Best sont tout jaunis, les pages se barrent et j’ai les boules !

 


Sacré bonhomme tout de même, ce petit gars du New Jersey. Italo irlandais : le mélange du feu et de l'eau, des flics et de la mafia, mais catholique des deux côtés ! Pour faire court, le petit Bruce de 9 ans ne se remet pas du visionnage d'Elvis à la TV en 56 et ne tarde pas à comprendre qu'il est fait pour le rock and roll. Il suit le parcours du rocker américain de base de ces années là et fonde les Castiles, un groupe parmi tant d'autres. Il a déjà la gueule de l’emploi, frange sur le côté et petite teigne italo…  


Au début des années 70, il fonde l'E street Band et rentre à CBS. Il se prend pour Dylan, le temps de deux albums pas très bons et puis en 75, il commence à trouve sa voie. "Born to run" sort et le son de Spector est remis à l’ordre du jour. L’album un peu surproduit renoue avec la tradition du rock and roll américain, de Buddy Holly à Tommy James. Les perles s’enchainent « Born to run » « Thunder road » « Jungleland » mais le meilleur est à venir.

L’album suivant fait un peu figure d’ovni. Il se rase et enlève son bonnet, le syndrome Dylan est passé. Le son assez épais du E street band rend le premier abord un peu dur mais passée cette impression, le disque se révèle être le meilleur de sa carrière. « Badlands », « Candy’s room »… Le boss innove et trouve un style très personnel et le E Street band est en train de devenir tout simplement le meilleur groupe du monde sur scène…

Bruce Springsteen est entré dans une période de créativité exceptionnelle. Son style s'épure et ses compos sont désormais plus simples. C'est à cause de problèmes juridiques qu’il ne peut enregistrer pendant quelques temps. Il en profite pour le faire pour les autres et c'est vraiment peut être là qu'il touche au sublime. Ça vaut le coup de s’y attarder un peu :
"Fire" par Robert Gordon. Morceau initialement prévu pour Elvis selon la légende. Le Robert s'en sort carrément bien. Les lignes pures du rock and roll sont là. La géométrie du morceau est parfaite.



"Because the night" par Patti Smith. (Dans tous les juke boxes de France) "Light of day" par Joan Jett. Bande Originale du film du même nom. (A voir absolument pour la classe insensée de la demoiselle). Le morceau est parfait et le film capture parfaitement l'esprit du rock and roll américain de cette époque.
"Don't look back" par les Knacks désormais disponibles sur les bonus tracks du premier album. De passage dans un club où ils jouaient, le boss tape le boeuf avec eux. On imagine que l'idée de la reprise a dû naître cette nuit là.



Deux albums complets de Gary US Bond : "Dedication" et "On the line". Vu que la majorité des chansons vient de lui et que le E Street Band joue sur ces albums au grand complet, inutile de vous dire qu'on a là deux quasi albums de Springsteen.

Quelques chansons pour son vieux pote du New Jersey, Southside Johnny. "Hearts of Stone", "Talk to me", "Trapped again", "Little Girls so fine", "Love On The Wrong Side Of Town", "When You Dance", "The Fever", "You Mean So Much To Me".

"Sea Side bar song" pour Little Bob Story. Mais oui, vous ne rêvez pas. je n'ai jamais compris comment ce morceau avait pu atterrir dans cet album de Little Bob "Come see me". La version est moyenne mais la compo est là.
 
Je ne sais pas ce qu'il avait à cette époque mais il était touché par la grâce. Peut être était-ce tout simplement l'époque elle-même qui était bénie ? J'en oublie sûrement. Merci de compléter ma liste avec vos commentaires. 

                                                

Les concerts du E Street band sont de véritables cataclysmes. Le look est parfait, le son n’en parlons pas. Le fameux « Detroit medley » pot pourri des tubes de Mitch Ryder est le sommet dans le genre. 
C’est à cette époque que je commence vraiment à le connaitre, avec ce fameux double album The River que la critique descend en flèche, pourtant un de mes préférés. La production est un peu facile mais bon, je ne résiste pas à « Sherry Darling », « Jackson cage », « Independance day », « The river », « You can look», tout fonctionne au premier degré en tubes de Juke box et sur moi, ça fonctionne à plein régime !!! Bon évidemment, le gars est heureusement plus complexe que ça et se pose de questions, ce qu’il fera tout au long de sa carrière avec plus ou moins de bonheur. Il tombe sur le premier Suicide. Le cri sur « Franky » ou les histoires de paumés d’Alan Vega ont du le remuer car notre homme va se réfugier seul avec une guitare et un quatre piste pour arriver enfin au niveau de son maitre, Dylan et sortir un des plus grands albums acoustique jamais sortis. 

La pochette à l’image du disque est sinistre. On se croirait dans « Fargo » des frères Coen : misère et décadence de l’empire américain. Un croisement diabolique de rockabilly primaire et de folk ombrageux…. Je me souviens encore de ce premier contact avec ce disque. Ça me parait tellement brillant que tous les fantômes américains s’invitent aux bals des références et des comparaisons. Woody Guthrie, Hank Williams, Buddy Holly, évidemment…

Ce type me tuait ! Aussi à l’aise et sincère dans les ballades que dans les tubes mondiaux et c’est dans ces deux exercices que je l’appréciais. Le bouquet final se préparait tranquillement avec le retour du E Street Band et son fabuleux batteur, Max Weinberg, le binoclard génial. La véritable cheville ouvrière du groupe ! C’est avec le nouveau disque, Born in the USA que son talent explose. Il suffit de visionner le clip éponyme et de le voir frapper quelques secondes, pour comprendre en quoi son touché a rendu ce disque magique tel un Topper Headon sur London Calling.
 

Au milieu des années 80 en plein dégueulis de Madonna, de Michael Jackson et de rock français subventionné, Springsteen met tout le monde KO avec un disque grand public, bourré de synthé et produit comme à l’époque. Un tour de force inouï quand on y pense, avec le recul…. Le tube « Born in the USA » était en gestation en acoustique sur les chutes de Nebraska mais là, il prend une dimension démente. Les abrutis de service ne manquent pas de le lyncher sur le bucher pour nationalisme, et je suis gêné de le voir s’expliquer à tour d’interviews comme si il n’avait pas le droit d’être fier d’être américain. Mais mon gars, même si ta chanson ne parlait pas de ça, tu peux en être fier de ton pays qui n’a pas touché à sa constitution depuis 1787. Et puis j’aime, les Kinks parce qu’ils sont très anglais, les Dogs parce que très français malgré tout, et toi parce que très américain. De toute façon, tu t’en fous. Les disques se vendent par camions et tout le monde embarquent avec ces purs tubasses rock and roll de Juke Box, pratiquement que des faces A de singles sur tout le disque. « Bobby Jean » « I’m on fire » « I’m going down » « Glory days » etc…

On arrive au bout de l’histoire, enfin… en ce qui me concerne. Le boss se marie puis divorce d’une jolie femme. Il fait un album un peu pénible dont j’ai oublié le nom puis semble trouver l’amour avec sa nouvelle femme et depuis, le rock semble mort pour lui. Rien ne semble plus crédible de ce qu’il fait…. Je vais le voir malgré tout, à Lyon à l’époque de Human touch. je fais l’aller retour Toulouse/Lyon dans la nuit et je me retrouve perdu dans une banlieue chaude de la ville au milieu d’un parterre d’étudiants. La situation ne manque pas de sel. Ils viennent écouter des histoires de prolos, que le Boss leur distille sans grande conviction avec un groupe de baloche, et se font braquer à la sortie par des vrais, eux, qui ne rigolent pas du tout et qui n’ont pas grand-chose à foutre de ses chansonnettes. La mièvrerie est au rendez-vous, heureusement bien vite oublié grâce à un Dylan que je verrai sur scène quelques semaines plus tard... Non décidément, tout sonne faux.
 


Alors que je suis moi-même émigré au Canada, sort The Ghost of Tom Joad, présenté comme un nouveau Nebraska avec son cortège de chansons sociales. Le boss tente de dépeindre la vie d’émigrés : un monde qu’il ne connait visiblement plus ou pas… Je décroche complètement, préférant garder l’image du Springsteen de 1979, épris de rhythm and blues, (le style de musique que je préfère au fond)… au moment où il avait le monde à ses pieds, enfin, je veux dire à ces boots....

 C’était quand même lui le Boss !!!

2 commentaires:

  1. Bravo Ranx Ze Vox pour ce billet complet sur Springsteen ! tu as raison de souligner que ses meilleurs albums sont "Born to run, "Darkness ..." , "Nebraska" (grandiose !) et bien entendu "Born in the USA" . Après , j'avoue qu'il m'interresse moins . Le disque dont tu ne conserves pas de grand souvenir est "Tunnel of love" paru en 1987 qui est assez plat je trouve .
    Super ton blog !

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  2. Toujours un plaisir de relire ce blog, Serge. Suis quand même pas d'accord concernant les deux premiers albums, The wild, the innocent...est carrément un de mes préférés du bonhomme.
    Maigre divergence.
    Sinon, ouais, les disques sont moins bons mais sur scène c'est toujours lui le boss. Et c'est quand même là que ça se passe, le Rock'n'Roll.
    Hugo

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